KiNO OUKHO#1
Des Films pour l’Ouïe avec Jérôme Noetinger
Mardi 18 janvier 2022 - de 19h à 23h
Festival Autres Mesures 2022
Entrée libre dans la limite des places disponibles
La chapelle du conservatoire de musique, 26 rue Hoche, 35000 Rennes
En partenariat avec le Conservatoire de Rennes et le Festival Autres Mesures.
︎Première séance de KINO OUKHO : un Acousmonium (et des oeuvres de musique concrète), des films en pellicule et un concert.
︎︎ Jèrôme Noetinger / Cinéma pour l’oreille
Cette première séance se penche sur le travail de Jérôme Noetinger :
- les oeuvres de musique concrète qui seront jouées sur l’acousmonium viennent de la collection de Metamkine, Cinéma pour l’oreille, qu’il a mise en oeuvre.
- nous proposons un concert d’improvisation de Jérôme Noetinger sur son instrument de prédilection, l’enregistreur à bande magnétique, le Revox B77 MKII.
- des projections de films en pellicule 16mm en lien avec la musique éléctro acoustique/concrète.
Programme détaillé de la séance:
19h
︎ Prélude : Perdyerde Frank Lawrence - 2003 – 9’ - Musique Concrète
︎ Week-end de Walter Ruttmann – 1930 – 11’21 – Film sans image
Week-end fut présenté au deuxième congrès du cinéma indépendant de Bruxelle en 1930. Jean Lenauer le décrit avec pertinence dans le journal Pour vous du 24 juillet de cette même année : « C’est un film parlant sans images. Oui, sans images, pas un disque de phonographe mais un enregistrement sur film monté selon l’esprit du cinéma et auquel, il ne manque que les images purement visuelles ; de même qu’on a fait du film muet, on peut aujourd’hui, pour ainsi dire,
faire du film «aveugle».
Dans cet article, Walter Ruttmann explique très clairement sa conception du son au cinéma. Au lieu de l’utiliser comme élément «décoratif destiné à souligner l’image», il souhaite produire «des choses différentes de l’image» et précise qu’il y a «une perspective des sons, comme il existe une perspective des lignes et l’on obtient, suivant que l’objet s’approche ou s’éloigne du microphone, une gamme infiniment variée de valeurs sonores ».
︎ In der Nacht de Walter Ruttmann – 1931 – 7’ – Film 16mm
Film musical. Femme au piano. Elle joue. Les images, choisies en fonction d'une illustration de la musique, en épousent le rythme. Eau, bouillonnements (avec de discrètes utilisations du mouvement à l'envers), nuages, visage de la pianiste. Calme. Une barque à contre-jour. Crépuscule. Plissements d'ondes. Visage. Remous. Feuilles mortes chassées par le vent. Lune passant entre les nuages. Scintillations, cascade, remous, fumée. Idéalisation de la nature par traduction de la musique en termes de nature idéalisée.
︎ Biogenesis d’Eliane Radigue – 1973 – 21’08 – Musique concrète interprété par Jérôme Noetinger sur acousmonium
Claire Payement : Tout d’abord je voulais savoir comment est née votre composition Biogenesis ?
Éliane Radigue. : Elle est née de ma première grand-maternité. Ma fille était enceinte et j’étais folle de joie à l’idée d’être grand-mère ; j’étaispourtant très jeune encore. Puis un jour Luc Ferrari, alors que je clamais sous les toits que j’allais être grand-mère, me dit : « Ma pauvre vieille. ». Mais ça ne m’a pas altérée davantage. Lorsque ma fille était enceinte, j’ai décidé de glorifier ce moment et évidemment, le plus représentatif pour moi était d’associer les battements du cœur. Donc du père qui en l’occurrence était quelqu’un de trop sérieux, il ne voulait pas, mais mon fils s’y est prêté à ce que j’enregistre son cœur, ma fille bien évidemment et j’ai pu prendre quelques petits battements du cœur du bébé qui est maintenant à son tour elle-même mère de famille. Et donc la dédicace en elle-même dit tout parce que c’était à ma fille pour l’enfant qu’elle porte, puis après c’est devenu à ma fille et sa fille, etc. C’est donc une sorte de célébration de cette perpétuation de la vie. À la base, il y avait ces enregistrements de battements du cœur. J’avais un très bon micro, un petit Sennheiser avec une petite capsule et un stéthoscope. La question était de trouver à joindre le micro et l’extrémité d’une des branches du stéthoscope. L’une me servant à contrôler le son et l’autre à le prendre. Puis le hasard souvent aide les choses ; j’avais cette préoccupation et en me baladant boulevard Saint Germain où il y avait un magasin de jouet, j’ai trouvé une sorte de petite bouteille en plastique qui contenait de ces petites sucreries comme des perles minuscules. Ça a été l’objet idéal parce qu’en coupant aux deux bouts, d’un côté je pouvais mettre le micro et de l’autre l’une des branches du stéthoscope. Je ne peux plus vous le montrer parce que justement j’en ai fait cadeau à l’héroïne si j’ose dire, à Caroline ma petite fille. J’avais mis tout ça dans un coffret que mon fils avait fait. Mais il y en a une photo quelque part...
︎ Seven Landscapesde Scott Hammen – 1995 – 11’ - Film 16mm
Sept séries d'images, vingt-quatre par seconde, prises entre mai et octobre à MontBué, Hockanum, Mount Boreas, Plum Brook, Plainville, au quai Saint Bernard, et sur la plage de la Palud.
20h30
︎Concert d’improvisation électroacoustique par Jérôme Noetinger – 30’
Feedback : se nourrir soi-même et partager ce repas avec l'autre.
Attiré par le son et ses diverses représentations, plus que par la musique, et le langage qu'elle induit, l'électroacoustique m'a ouvert des portes vers des mondes sonores insoupçonnés et fait passer de la position d'auditeur / consommateur à celle de créateur / producteur. La pratique de l'improvisation m'a ensuite permis de franchir la frontière studio / scène. Si je me penche sur ma pratique de ces dernières années, je réalise qu'elle est centrée autour des notions de récupération et de détournement, autant au niveau des outils utilisés que des réseaux de diffusion développés.
Je travaille avec un magnétophone à bandes Revox B77, différents micros, une radio et quelques électroniques. J'utilise une boucle magnétique sur laquelle j'inscris le son, et le transforme aussitôt.
21h30
︎Gloria de Michel Chion – 1994 – 20’25 - Musique concrète interprété par Frank Lawrence sur acousmonium
Commande du Groupe de Recherches Musicales de l'INA réalisée dans ses studios. Avec les voix de Cécile Sacco, Anne-Marie Marsaguet, Michel Chion et Los Groupos.
Dédié, avec la reconnaissance du compositeur, à Robert Cahen.
︎Zillertal de Jürgen Reble – 1991 – 11’ – Film 16mm
«Sans doute le plus beau film était ZILLERTAL de Jürgen Reble. Après avoir participé à une performance avec l'audience, Alles Kommt Ans Licht, ce cinéaste a montré, à six images par seconde, une bande annonce en 35mm qu'il avait laissée un certain temps dans un arbre, en la traitant régulièrement avec des produits chimiques. Ce faisant, au cours de la projection, l’intrigue disparaît, l’image en noir et blanc se transforme en motifs réguliers où de beaux bruns et bleus apparaissent. Les personnages en noir et blanc sont toujours visibles, mais lorsque l'on découvre avec regret la fin de la bande, annonçant le prochain spectacle, la réalité de l'écart entre les deux œuvres, celle que l'on vient de voir et celle annoncée, devient poignante.»
Rose Lowder.
︎ La grande Vallée de Lionel Marchetti – 1993/95 – 20’41 - Musique concrète interprété par Guillaume Launay sur acousmonium
« Maître, où allez-vous ? Demanda Bourrasque.
À la Grande Vallée, dit Épaisseur Obscure.
Pourquoi ?
La Grande Vallée est le lieu où l'on verse sans jamais remplir
et où l'on puise sans jamais épuiser. »
Tchouang-Tzu
︎ Black Out de Aldo Tambellini – 1965 – 9’00 – Film 16mm
A la manière de l’action painting (peinture d’action) de Franz Kline, ce film est un crescendo croissant d’images abstraites. De rapides morceaux de formes blanches sur fond noir auxquelles s’ajoute une bande-sonore également abstraite évoquent un bombardement dans un espace céleste ou un champ de bataille dans lequel des canons tirent sur un ennemi invisible dans la nuit.
︎︎ Cinéma pour l’oreille ︎︎
La collection Cinéma pour l’oreille fut éditée par le précieux label et distributeur Metamkine pendant les années 90. Elle propose en 19 mini-cd (1 auteur/1 oeuvre) un panorama passionnant de l’esthétique concrète (puisque c’est le terme retenu pour la série), de la carte postale sonore à l’abstraction électronique. Les collages de pionnier de Walter Rutmann voisinent avec le minimalisme neigeux de Bernhard Günter, les échos-souvenirs de Jean-Marc Duchenne ou le murmure organique d’Eliane Radigue. A chaque fois c’est un paysage qui se dessine, une stimulation imagée. Chaque pièce raconte quelque chose ou peint un décor, une chimère réaliste dans laquelle l’oreille peut se faire tout un cinéma. L’imagination du musicien-réalisateur appelle celle de l’auditeur. Le mélange de sons « réels » et de sons « fabriqués » tisse une trame où le monde se déforme et se recompose en poésie.
Cinéma pour l’oreille prend le parti de faire entendre que ce qui distingue cette nébuleuse « concrète », ce n’est finalement pas l’emploi d’outils (bandes magnétiques et ciseaux, samplers et souris, consoles et haut-parleurs), mais la possibilité de faire naître un véritable théâtre des sons.
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Une programmation de Talitha, en partenariat avec le Conservatoire de Rennes, le Festival Autres Mesures.
Merci à Light Cone, Comptoir du Doc, Les Ombres Electriques et à Vitrine en cours.
Talitha reçoit le soutien de la Ville de Rennes et de la Région Bretagne.